|     HISTOIRE 
                        DU VIOLON STRADIVARIUS   DENDROCHRONOLOGIE Le 
                        Climat du Petit Age glaciaire de la fin du XVII° siècle 
                        aurait amélioré leur sonorité   Les 
                        Stradivarius , des violons venus du froid           Antonio 
                        Stradivari dit Stradivarius (1644-1737) avait-il un 
                        secret de fabrication ? Appliquait-il un vernis spécial 
                        à ses violons qui leur confère aujourd’hui encore une 
                        sonorité exceptionnelle ? Stockait-il don bois de façon 
                        particulière , le trempait-il , le « cuisait-il » ? 
                        Mystère . Personne n’a jamais réussi à découvrir les 
                        recettes du luthier de Crémone . Un artisan très productif 
                        qui réalisa près de trois mille instruments à cordes 
                        (violes, violons, violoncelles) dont près de six cents 
                        sont parvenus jusqu’à nous .           Deux 
                        scientifiques américains , Lloyd Burckle et Henri Grissino-Mayer, 
                        risquent une nouvelle proposition surprenante et séduisante 
                        à la fois . En effet , pour ce climatologue et ce spécialiste 
                        de dendrochronologie (du grec dendron =arbre, kronos 
                        = temps et  logos = étude) , les stradivarius doivent 
                        leur sonorité unique au climat .           Un 
                        rapide retour en arrière s’impose . Au cours de la période 
                        historique récente , il y a eu des fluctuations climatiques 
                        importantes . De la fin du XVI° siècle au milieu du 
                        XIX° siècle , l’Europe a traversé une période froide 
                        , caractérisée par une diminution globale des températures 
                        et une avancée des glaciers alpins . C’est ce que l’on 
                        appelle le Petit Age glaciaire .           Mais 
                        cette période elle-même a été marquée par une épisode 
                        encore plus froid : le minimum de Mauder (1645-1715) 
                        avec des hivers rigoureux et longs et des étés plutôt 
                        frisquets . On sait aujourd’hui que ces soixante-dix 
                        ans de froidure sont dus à la diminution de l’activité 
                        du soleil . A l’époque , les astronomes français Philippe 
                        de La Hire et l’abbé Jean Picard avaient observé la 
                        quasi-disparition des taches à la surface de notre étoile 
                        .         Le 
                        raisonnement des deux scientifiques est simple . Si 
                        on compare les dates du minimum de Maunder et celles 
                        de la période d’activité de Stradivarius , on s’aperçoit 
                        qu’elles coïncident . Pour fabriquer ses instruments 
                        , le célèbre luthier a donc utilisé des arbres ayant 
                        grandi dans des conditions environnementales qui ne 
                        se sont jamais reproduites depuis . Autrement dit , 
                        c’est la pousse des arbres qui a contribué à leur qualité 
                        acoustique exceptionnelle. Et les différentes périodes 
                        qui ont marqué la production de Stradivarius se trouvent 
                        toutes les trois au beau milieu du minimum Under : la 
                        période Amati (1666-1690), la période d’expérimentation 
                        (1690-1700) et la période d’or (1700-1720).           Comme 
                        tous les luthiers de l’époque , Stradivarius était très 
                        sourcilleux sur la provenance des arbres qu’il façonnait 
                        . On pense qu’il s’approvisionnait dans le sud des Alpes 
                        italiennes , dans ce que l’on appelle la « forêt des 
                        violons ». Ce massif fait aujourd’hui partie du parc 
                        naturel Paneveggio. Pour obtenir une bonne sonorité 
                        , les luthiers étaient à la recherche d’érables et d’épicéas 
                        bien particuliers . Il leur fallait des arbres poussant 
                        en altitude , sur des pentes exposées au nord et des 
                        sols pauvres avec des cernes d’accroissement particulièrement 
                        resserrés . Cette particularité due au développement 
                        très lent de l’arbre donne à la table d’harmonie un 
                        caractère à la fois léger, dense , nerveux et élastique 
                        , gage d’une bonne sonorité .           On 
                        n’avait jamais soupçonné jusqu’alors que Stradivarius 
                        avait été aussi idéalement approvisionné par le minimum 
                        de Maunder qui a dû freiner la croissance des arbres 
                        .  « C’est 
                        étonnant qu’on n’y est pas pensé plus tôt » 
                        , reconnaît Henri Grissino-Mayer , tout surpris de constater 
                        que les médias découvrent aujourd’hui seulement son 
                        étude publié en juillet dernier dans la petite revue 
                        italienne Dendrochronologie . 
                        «  La testure du bois n’explique pas tout . L’habileté 
                        du luthier est aussi un ingrédient important, reconnaît-il 
                        toutefois. Mais le coup de patte du maître restera sans 
                        doute à jamais un mystère car les propriétaires de stradivarius 
                        refusent que l’on fasse des analyses physiques et chimiques 
                        de leur violon »           Responsable 
                        de la banque de données internationales sur les cernes 
                        d’arbres (Tree-Ring Data Bank) et professeur de l’université 
                        d’Arizona, Henri Grissino-Mayer est aujourd’hui un des 
                        meilleurs experts en dendrochronologie . En décembre 
                        2000, il avait été choisi pour authentifier « Le Messie » 
                        , le plus célèbre violon sorti des mains de Stradivarius 
                        , qui se trouvait alors au centre d’une controverse 
                        . Dans une étude à paraître prochainement (dans Journal 
                        of Archeological,vol31,2004) , il publie les résultats 
                        de son analyse . Un verdict impressionnant de précision 
                        : l’arbre à partir duquel « Le Messie » a été fabriqué 
                        avait 110 ans (1577-1687) et il ne provenait pas d’une 
                        région d’altitude , contrairement à ce qu’on pouvait 
                        attendre . Comme le violon a été produit en 1716, cela 
                        signifie que le bois a séché et vieilli 29 ans dans 
                        l’atelier du maître de Crémone. « Les dendrochronologies 
                        peuvent seulement dater des cernes . Cela permet de 
                        déduire bien des choses mais pas de faire une véritable 
                        authentification » , précise l’expert toujours prudent 
                        .     |