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                                    origine et évolution, républicain       |     Guerre, 
                        femmes et nation en France (1939-1945)   Luc 
                        Capdevila (CRHISCO – (Université de Rennes2) et Fabrice 
                        Virgili (IHTP – CNRS)           Depuis 
                        l’appel à l'arrêt des hostilités prononcé par le maréchal 
                        Pétain le 17 juin 1940 et le soulagement manifestée 
                        par une grande partie de la population un premier clivage 
                        est apparu. Dans la situation de désarroi et d'acceptation 
                        de la défaite certains ont refusé l’armistice et sont 
                        restés de facto mobilisés contre l’ennemi. Cet antagonisme 
                        a produit deux discours antithétiques sur la nation. 
                        Vichy propose alors une reconstruction nationale à l'écart 
                        de la guerre et sous domination allemande. En face, 
                        dans le camp de la France combattante, la renaissance 
                        française ne peut être que le prolongement du combat 
                        pour la libération nationale. En réservant une large 
                        place au genre, les deux discours en firent un élément 
                        structurant de la nation.            Du 
                        côté de Vichy, comme de la Résistance, les discours 
                        reproduisent l'imaginaire social dominant de la mère 
                        au foyer. Au delà, la réalité fut plus complexe. Pour 
                        les hommes, les effets de la défaite puis de l’occupation 
                        se traduisent concrètement par l’importance des départ 
                        vers l’Allemagne comme prisonniers de guerre, requis 
                        au titre du service du travail obligatoire et déportés. 
                        Pour les femmes, la situation mêle l’absence d’un mari 
                        ou d’un père et un quotidien de pénurie. La délimitation 
                        entre front et arrière se trouve alors passablement 
                        brouillée et le vécu de nombreuse femmes s’est trouvé 
                        en porte-à-faux avec les stéréotypes de la ménagère. 
                        Par ailleurs, dans le cadre de la mobilisation organisée 
                        par la France combattante, les appels adressés aux Françaises 
                        de tous âges coexistent avec une vision traditionnelle 
                        du féminin. Loin de s’opposer, les images de la combattante 
                        et de la mère au foyer révèlent un enchevêtrement des 
                        systèmes de représentations qui témoigne de la dynamique 
                        des imaginaires en temps de guerre.   1/ 
                        Penser la défaite et l’invasion           Le 
                        choc de la défaite a constitué aux yeux des contemporains 
                        une rupture irrémédiable avec le passé. Les discours 
                        produits alors sur le devenir de la France avaient en 
                        commun le thème de la nécessaire reconstruction, que 
                        celle-ci se fasse sous la férule de l’Allemagne nazie 
                        ou s’enracine au contraire dans le combat contre sa 
                        domination. Le discours de la régénérescence ne s’est 
                        pas limité au seul politique, la mobilisation à laquelle 
                        ont appelé la Révolution nationale comme la France combattante 
                        participe à un discours sur le masculin comme le féminin.           Cette 
                        réflexion s’inscrit à la fois dans le contexte du bouleversement 
                        majeur de l’année 1940 et dans l’évolution à plus long 
                        terme des relations entre les sexes. On peut relever 
                        au cours des premières décennies du vingtième siècle, 
                        une importante mobilisation des femmes lors de la Grande 
                        Guerre, la violence des polémiques autour du roman La 
                        Garçonne, le vote de la loi du 18 février 1938 qui a 
                        mis fin à l’incapacité civile de la femme mariée mais 
                        également le refus répété d’accorder le droit de vote 
                        aux femmes. Si aujourd’hui le regard porté sur l’ensemble 
                        de cette période par les historiens insiste plus sur 
                        le maintien des assignations traditionnelles des sexes[1] 
                        il n’en demeure pas moins que la question a été soulevée 
                        de manière récurrente au cours de la période remettant 
                        en cause l’immuabilité des rapports entre les sexes.           Si 
                        ces changements sont perceptibles du point de vue du 
                        féminin ils le sont également du côté du masculin. Le 
                        “triomphe de la division sexuelle” pour reprendre l’expression 
                        de Françoise Thébaud à propos du premier conflit mondial, 
                        c’est-à-dire la répartition entre un front masculin 
                        et un arrière féminin n’a pas empêché une rupture profonde 
                        entre l’homme- guerrier de 1914, progressivement transformé 
                        au cours des quatre années de guerre en homme broyé 
                        par les horreurs du champ de bataille. Tout en ayant 
                        rempli leur rôle de défenseur de la patrie et du foyer, 
                        l’image des anciens combattants de la “der des ders”, 
                        des “gueules cassées”, s’est sensiblement éloignée de 
                        la représentation virile du soldat héroïque.         Ces 
                        éléments doivent être pris en compte pour comprendre 
                        l’importance du symbolisme sexué mis en œuvre dans les 
                        discours de la défaite et de l’invasion.           Drôle 
                        de guerre et défaite : un brouillage des genres           Le 
                        2 septembre 1939, dans l’ordre de mobilisation générale 
                        des classes d’âge 1909-1938, rien ne paraissait, du 
                        point de vue des assignations entre les sexes, distinguer 
                        l’année 1939 de l’année 1914. 4,5 millions d’hommes 
                        furent appelés sous les drapeaux, une grande part de 
                        la population masculine adulte était ainsi envoyée vers 
                        le front. Les femmes, elles, restaient à l’arrière et 
                        après avoir salué leur époux ou leur fils en partance 
                        elles poursuivirent leurs tâches quotidiennes à la maison 
                        comme au travail. La période qui a suivi la déclaration 
                        a connu une reprise de l’emploi féminin après quelques 
                        années de décroissance et de chômage[2]. Pourtant l’absence 
                        de combats, l’immobilité des troupes pendant les huit 
                        mois qui ont séparé la déclaration de guerre de l’invasion 
                        allemande offrent de nombreux indices d’un brouillage 
                        en profondeur de l’image d’un soldat masculin imprégnée 
                        de virilité guerrière. Les descriptions de la drôle 
                        de guerre renvoient des images plus proches de l’univers 
                        domestique que du champ de bataille. Bien qu’accentuée 
                        par une propagande visant à rassurer une population 
                        qui redoutait plus que tout le renouvellement des boucheries 
                        de la “Der des ders”, les articles et reportages sur 
                        la vie au front traduisent une inaction ponctuée de 
                        scènes de la vie quotidienne et d’activités destinées 
                        à soutenir le moral des troupes : théâtre aux armées, 
                        plantation de rosiers en contrebas de la ligne Maginot[3], 
                        parties de football.            L’inactivité 
                        prolongée a renforcé le sentiment d’un inutile éloignement 
                        du foyer. Le succès de la chanson de Maurice Chevalier 
                        pour qui “les excellents Français, excellents soldats 
                        (…) désirent tous désormais qu’on nous foute une bonne 
                        fois la paix” est de ce point de vue révélateur, comme 
                        l’est également une autre chanson en vogue au cours 
                        de cette année 1939 interprétée par Ray Ventura qui 
                        imagine les “joyeux petits poilus” aller “pendre leur 
                        linge sur la ligne Siegfried”. Le linge, activité ménagère 
                        par excellence devenue celle des soldats immobiles dans 
                        leur cantonnement, remplace l’étendard tricolore. Il 
                        est même associé à l’une des principales figures guerrières 
                        du panthéon germanique.           Paradoxalement 
                        la Seconde Guerre mondiale dont le caractère total a 
                        impliqué les populations civiles et la sphère privée, 
                        a été précédée en France par une courte période au cours 
                        de laquelle le front semble avoir été investi par la 
                        vie domestique. Si le rôle des femmes ne semble alors 
                        connaître aucune modification sensible, celui des hommes, 
                        au moins dans sa perception, comme défenseur de la patrie 
                        paraît bien plus confus. La défaite puis l’occupation 
                        concrétisent dans les faits le caractère obsolète d’une 
                        division entre un front masculin et un arrière féminin.           Un 
                        mois de guerre éclair a rendu concrètement toute distinction 
                        entre front et arrière veine. De six à huit millions 
                        de personnes ont abandonné leur foyer pour les routes 
                        de l’exode, deux millions d’hommes ont été faits prisonniers. 
                               L’ampleur 
                        du désastre militaire, humain, moral a été l’objet de 
                        très nombreux récits et analyses, nous nous limiterons 
                        ici à souligner ce qu’il représente en terme de faillite 
                        d’une certaine image du masculin. Non seulement les 
                        hommes n’ont pu éviter la débâcle, en ne parvenant pas 
                        à empêcher, selon le vers de la Marseillaise symbolique 
                        de l’image du citoyen-soldat, “l’ennemi d’égorger nos 
                        fils et nos compagnes”, mais mobilisés ils ont été absents 
                        lors de l’exode puis prisonniers absents de leur foyer 
                        pour lui faire traverser les épreuves à venir. Assignées 
                        à l’arrière, les femmes se sont pourtant retrouvées 
                        au-devant des événements sur les routes de l’exode puis 
                        pour gérer le quotidien de l’Occupation.           La 
                        responsabilité des femmes dans la défaite           Pour 
                        le Maréchal Pétain, la défaite provenait d’une dégénérescence 
                        morale dont l’esprit de jouissance opposé à celui du 
                        sacrifice était la manifestation la plus forte. Comme 
                        le souligne Jean-Pierre Azéma[4], cela permettait d’exonérer 
                        la hiérarchie militaire de ses responsabilités. Néanmoins, 
                        la mise au premier plan de la dimension morale se situait 
                        dans le prolongement des discours de l’extrême droite 
                        maurrassienne conservatrice et catholique et annonçait 
                        le projet politique de la Révolution nationale. Marquée 
                        du sceau du retour à l’ordre et du rétablissement des 
                        hiérarchies “naturelles”, la thématique vichyste s’est 
                        en grande partie développée sur l’idée de la faute. 
                        Derrière la culpabilité collective, il y avait pourtant 
                        une graduation des responsabilités. Pour Vichy, la responsabilité 
                        des juifs, des étrangers, des communistes ou des francs-maçons 
                        était absolue et n’autorisait aucun repentir, l’exclusion 
                        orientait toute la politique menée à leur encontre par 
                        les autorités de l’État français. Cependant pour le 
                        reste de la population, la contrition et le sacrifice 
                        devaient permettre à chacun de retrouver sa place “naturelle” 
                        dans la nouvelle France.           “Trop 
                        peu d’enfants, trop peu d’armes, trop peu d’alliés”, 
                        la dénatalité a pris le pas dans l’explication de la 
                        défaite sur les causes militaires. Le fléchissement 
                        démographique sensible depuis la fin du XIX° siècle, 
                        la saignée puis le déficit des naissances du premier 
                        conflit mondial, ont été une préoccupation constante 
                        de l’entre-deux-guerres. La répression de l’avortement 
                        (loi de 1920) comme la mise en place des allocations 
                        familiales sont parmi les mesures les plus significatives 
                        de la politique nataliste de la IIIe République. Pour 
                        Vichy, le manque d’enfants de sexe masculin et donc 
                        de futur hommes-soldats était présenté comme l’expression 
                        la plus forte du déclin de la France.           Dans 
                        le mea culpa collectif, les femmes étaient considérées 
                        comme coupables et victimes de la dégénérescence, en 
                        cela elles occupaient une place spécifique. La prétention 
                        des femmes à l’égalité entre les sexes, la quête du 
                        plaisir et la frivolité attribuée aux jeunes Françaises 
                        les auraient éloignées de leur rôle de mère et d’épouse. 
                        Francine Muel Dreyfuss[5] rappelle comment le tandem, 
                        symbole des loisirs du Front populaire et du couple 
                        sans enfants, était pour Vichy un objet honni. Dominique 
                        Veillon souligne également la stigmatisation par le 
                        régime d’une certaine apparence : port du pantalon, 
                        mode des cheveux courts ou platinés, maquillage excessif, 
                        consommation de tabac[6]. Cette condamnation s’intègre 
                        dans l’accusation plus large portée contre l’égalitarisme 
                        au dépend de la hiérarchie et de l’individualisme opposé 
                        à la communauté, elle a pris une dimension particulière 
                        envers les femmes coupables de s’être éloignées de leur 
                        fonction biologique de reproduction, cause principale 
                        de la baisse démographique.           Pour 
                        Vichy “tout ce qui éloigne les femmes [de la maternité] 
                        est contre nature, immoral et fatal à la Patrie” rappelle 
                        Hélène Eck[7]. Mais si les femmes ont été désignées 
                        comme coupables, elles étaient également considérées 
                        comme les victimes d’une société qui avait laissé libre 
                        cours à leur égoïsme et leur faiblesse. Comme l’a écrit 
                        André Courthis en octobre 1941 dans un article de Candide 
                        intitulé “Le marxisme est l’ennemi de la femme et du 
                        foyer” : “la femme française porte aujourd’hui dans 
                        la défaite de la France sa part, lourde part, de responsabilité. 
                                 Les 
                        hommes nouveaux l’ont compris. Les lois nouvelles autant 
                        que sages sont sévères. Elles freinent le déchaînement 
                        de l’avidité féminine, restreignent pour les jeunes 
                        filles l’accès aux carrières libérales, facilitent au 
                        contraire d’une façon qui équivaut à l’imposer le retour 
                        ou le maintien de la femme au foyer”[8]. La double dimension 
                        de coupable et de victime est caractéristique du discours 
                        de Vichy envers les femmes. Le régime n’a pas appelé 
                        au châtiment des coupables, mais à leur retour, sous 
                        le contrôle de l’État, du père et du mari, à la place 
                        traditionnelle qui leur revenait.           Ce 
                        discours de la victimisation sous tend celui de l’incapacité 
                        du libre arbitre des femmes. Coupables mais irresponsables, 
                        c’était à la société d’assigner les femmes à leur place. 
                        De ce point de vue, l’objectif était avant tout d’effacer 
                        toute marque d’autonomie des femmes et de les inscrire 
                        étroitement dans les liens de dépendance sociaux, familiaux 
                        ou conjugaux. Sous couvert d’une politique de la famille 
                        : généralisation de l’allocation de mère au foyer (loi 
                        du 29 mars 1941) ; durcissement des conditions de divorce 
                        (loi du 2 avril 1941) ; loi du 23 juillet 1942 sur l’abandon 
                        du foyer qui devient une faute pénale et non plus civile 
                        ; interdiction d’embauche des femmes mariées par la 
                        loi du 11 octobre 1940 ; enfin au titre de la défense 
                        de la Patrie : la qualification de l’avortement comme 
                        “crime contre la sûreté de l’État” (loi du 15 février 
                        1942), ou encore la possibilité pour le ministère public 
                        d’engager des poursuites pour adultère à l’encontre 
                        des épouses des prisonniers de guerre (loi du 23 décembre 
                        1942). L’ensemble de ces mesures, même si elles ne font 
                        dans bien des cas que renforcer la législation antérieure, 
                        participent à l’exclusion des femmes de la sphère publique 
                        et à leur (ré)installation dans un foyer domestique 
                        sous contrôle.           Pour 
                        Vichy il y avait là un véritable enjeu et le redressement 
                        national devait passer par l’affirmation d’une différence 
                        intangible entre les sexes. En assimilant le brouillage 
                        des genres au régime de la Troisième République, Vichy 
                        a inscrit le genre dans l’idéologie de la Révolution 
                        nationale. La politique de l’État français envers les 
                        femmes, caractérisée par un antiféminisme extrême, utilisait 
                        également une représentation de la femme ménagère encore 
                        largement présente dans l’univers mental des Françaises 
                        et des Français.           Vichy 
                        et la mobilisation des femmes           La 
                        famille proclamée cellule de base de la nouvelle société 
                        était au centre de la devise de l’État français (Travail 
                        Famille Patrie). La politique de Vichy envers les femmes 
                        n’est pas simplement un aspect parmi d’autres de la 
                        Révolution nationale. Elle a occupé une place centrale 
                        dans le retour à l’ordre. La restauration de la place 
                        naturelle des hommes comme travailleurs et des femmes 
                        comme épouses et mères en raison de leur infériorité 
                        biologique participait au rétablissement de toutes les 
                        hiérarchies “naturelles” proclamées par Vichy. Comme 
                        le souligne Miranda Pollard[9], la mobilisation des 
                        femmes était cruciale. Elles assuraient dans un pays 
                        en plein chaos un lien social fortement ébranlé par 
                        la guerre. Comme gardienne du foyer, elles devaient 
                        être gagnées à la Révolution nationale. Néanmoins ce 
                        n’est qu’en retrouvant leur place de mère et d’épouse 
                        que les femmes pouvaient intégrer le projet de la Révolution 
                        nationale. C’était par le renoncement à tout ce qui 
                        les éloignait de leur destin naturel que les femmes 
                        pouvaient effacer leurs responsabilités et participer 
                        à la reconstruction du pays.            Plus 
                        qu’une mobilisation réelle des femmes, Vichy a utilisé 
                        l’image de la femme/mère à des fins de propagande. À 
                        la différence de la France combattante, ou des autres 
                        pays en guerre, pour l’État français la guerre était 
                        terminée et la France devait construire sa place dans 
                        la nouvelle Europe. Il n’existe donc pas comme lors 
                        de la Première Guerre mondiale de participation à l’effort 
                        de guerre, de mobilisation de l’arrière pour soutenir 
                        le front, ni contrairement à la résistance d’appel à 
                        l’engagement. Loin d’un discours de guerre, le modèle 
                        proposé par Vichy, pacifié, offrait une image rassurante, 
                        éternelle et maternelle qui correspondait à l’attente 
                        d’une grande partie de la population. Le message pouvait 
                        s’adresser au mari comme dans une affiche de Philippe 
                        Noyer éditée en 1942 “Vos dépenses seront moins lourdes 
                        avec la femme au foyer”, ou directement à la mère : 
                        “Mamans, la femme coquette, sans enfants n’a pas de 
                        place dans la cité, c’est une inutile. La mère de famille 
                        y a son rôle parce qu’elle est compétente, elle sert 
                        c’est sur leurs genoux que se forme ce qu’il y a de 
                        plus excellent dans le monde, un honnête homme”[10]. 
                        L’idéal maternel de Vichy n’avait pas pour seules destinataires 
                        les femmes et le message s’adressait également à l’ensemble 
                        de la population. La fête de mères, qui existait pour 
                        les mères de familles nombreuses depuis 1920, est devenue 
                        officielle et a été étendue à toutes les mères à partir 
                        de 1941. Elle est une des manifestations les plus significatives 
                        de la mobilisation du modèle maternel.               Dès 
                        la première, le 25 mai 1941, la propagande a multiplié 
                        les initiatives pour faire de cette journée un moment 
                        de consensus. Derrière la mère, c’était l’ensemble de 
                        la Révolution nationale et de son chef Pétain qui se 
                        trouvait glorifié. Spectacles, défilés, médailles, discours, 
                        tous les moyens étaient déployés. Une affiche tirée 
                        à 80 000 exemplaires et placardée dans toutes les écoles 
                        disait : “Ta maman l’a fait pour toi… Le Maréchal te 
                        demande de l’en remercier gentiment” [11].           Le 
                        discours de promotion de la famille n’était pas propre 
                        à Vichy, il s’inscrivait dans un courant nataliste beaucoup 
                        plus large qui à droite comme à gauche répondait à l’inquiétude 
                        démographique de la société française. Il ne fait guère 
                        de doute que la réassignation des rôles traditionnels 
                        du féminin et du masculin mis en œuvre par Vichy a rencontré 
                        l’assentiment d’une très large partie de la population 
                        française. Parce qu’elle correspondait à un univers 
                        mental pour lequel la division féminin/domestique, masculin/public 
                        restait opérante, parce que la place accordée à la famille 
                        “cellule de base de la société” a constitué un repère 
                        minima dans une société en plein chaos, enfin parce 
                        que l’image d’une famille nucléaire construite sur le 
                        bonheur et préoccupée de sa progéniture de plus en plus 
                        affirmée depuis les années 30, a trouvé par-delà les 
                        aspects idéologiques du régime une concordance morale.           Du 
                        côté de la France combattante, il ne s’est guère manifesté 
                        d’oppositions aux mesures concernant la politique familiale 
                        de Vichy. De nombreuses critiques soulignaient par contre 
                        le décalage entre un discours de protection de la famille 
                        et la réalité des situations vécues. La comparaison 
                        entre l’affiche officielle du secrétariat d’État à la 
                        famille pour la fête de mai 1942 et d’une affiche de 
                        la résistance qui s’en est inspirée directement est 
                        significative. Au bébé joufflu et souriant de la première 
                        affiche répond l’enfant décharné de la seconde. Mais 
                        dans les deux cas, le sort de la mère et de l’enfant 
                        sont liés, et le bonheur ou le malheur sont ceux de 
                        la maternité. L’affichette de la résistance se situe 
                        dans le même cadre que celui proposé par Vichy. Même 
                        s’il s’agissait d’un appel à manifester pour le pain 
                        et la liberté, il s’adressait spécifiquement aux mères 
                        françaises.           La 
                        prégnance du modèle maternel, repris et amplifié par 
                        Vichy, se retrouve aussi bien dans les discours de la 
                        France combattante pendant l’occupation qu’après guerre. 
                        Néanmoins alors que pour Vichy, il s’agit d’un modèle 
                        unique, l’engagement des femmes dans la résistance et 
                        la France libre traduit une réalité complexe et met 
                        en évidence l’enchevêtrement de représentations plus 
                        variées du féminin.   2/ 
                        Le refus de la défaite, mobilisées et volontaires de 
                        la France combattante           Le 
                        processus de totalisation de la Première Guerre mondiale 
                        avait conduit à mobiliser la société tout entière dans 
                        l'effort de guerre, les hommes comme les femmes. Mais 
                        la séparation nette entre l'arrière et le front avait 
                        contribué à penser davantage la mobilisation selon la 
                        différence des sexes : tandis que les hommes étaient 
                        essentiellement dirigés vers le champ de bataille, les 
                        femmes étaient élevées en protectrices de l'arrière, 
                        en gardiennes de leur ventre aussi.[12] L'Occupation 
                        changea la donne. La reconstruction nationale pensée 
                        par Vichy niait la poursuite du conflit ; le discours 
                        politique fut alors orienté vers un réajustement du 
                        genre, affirmant la limitation de l'espace féminin à 
                        la sphère domestique, réduisant les hommes désarmés 
                        par la défaite à la fonction du père nourricier, donc 
                        du travailleur. La contradiction avec la réalité était 
                        évidente : l'absence des hommes (prisonniers de guerre, 
                        requis du STO etc.) et la pénurie contraignaient les 
                        femmes à travailler. Par contre, pour la Résistance, 
                        la guerre n'avait pas cessé, mais la notion de front 
                        et d'arrière s'était brouillée : l'arrière était devenu 
                        le front. Symboliquement Le silence de la mer de Vercors[13] 
                        témoignait d’une résistance qui commençait au foyer.           L'engagement 
                        des femmes dans la guerre           Dans 
                        un pays soumis à la dictature et l'occupation et dans 
                        lequel la responsabilité politique était refusée aux 
                        citoyennes[14], des femmes se portèrent volontaires 
                        au nom de la défense nationale. Les travaux sur l'engagement 
                        dans la résistance organisée évaluent la proportion 
                        féminine de l'ordre de 10 à 25 % de la population résistance 
                        totale selon les lieux et les mouvements[15]. À ses 
                        débuts, la Résistance et la France libre mobilisèrent 
                        les rares hommes et femmes volontaires en fonction des 
                        besoins et de leurs aptitudes, néanmoins l'identité 
                        sexuée resta un des déterminants dans les assignations[16]. 
                        En général les femmes furent recrutées dans des rôles 
                        considérés comme féminins par le sens commun. Les premières 
                        missions effectuées dans le cadre de la résistance civile 
                        pouvaient être confiées indifféremment à des hommes 
                        ou à des femmes selon les mœurs de l'époque : renseigner, 
                        convoyer, distribuer…. Plus généralement elles ont occupé 
                        des fonctions de protection du foyer résistant, “maternage” 
                        des fugitifs ou des clandestins, “marrainage” des partisans, 
                        résistantes du seuil de la porte et "mères" 
                        du maquis, secrétaires…. Elles étaient aussi instrumentalisées 
                        par les mouvements et les réseaux qui exploitaient les 
                        stéréotypes du féminin : le PCF organisait des manifestations 
                        de ménagères protestant contre le ravitaillement. C'était 
                        un moyen pour lui de diriger une opposition publique 
                        au régime de Vichy et contre l'occupant tout en limitant 
                        les risques de répression. Autre exemple, pour abuser 
                        l'ennemi la préférence était donnée aux femmes comme 
                        agent de liaison et notamment les jeunes mères poussant 
                        un landau : l'image de la maternité et de la vulnérabilité, 
                        métaphore par excellence du civil inoffensif. La situation 
                        change avec le passage à la lutte armée et la militarisation 
                        de la résistance : dès lors le taux de féminisation 
                        chute dans les groupes de combat pour devenir insignifiant. 
                        Seules de très rares partisanes ont effectivement porté 
                        les armes durant les affrontements. En général les femmes 
                        présentes dans ces formations intervenaient dans les 
                        unités médicales, les services sociaux des maquis ou 
                        comme agent de liaison, certaines recevant à ce titre 
                        des grades d'officier FFI ou FTP .           Alors 
                        que la femme au fusil ou en uniforme était une image 
                        iconoclaste pendant la Première Guerre mondiale, elle 
                        a été progressivement valorisée par la France combattante 
                        ente 1940 et 1944. Cette représentation est neuve. Certes, 
                        dans les récits, les gravures, au 19ème siècle, des 
                        femmes s'emparent des armes lors des moments intenses 
                        de mobilisation ; dans ces représentations elles prennent 
                        le fusil en dernier ressort et dans un geste désespéré 
                        pour suppléer au compagnon masculin en train de tomber. 
                        Il en va différemment dans le discours de la France 
                        combattante entre 1940 et 1945. Dans le champ des représentations, 
                        les femmes en armes posant dans les corps francs, les 
                        femmes du maquis défilant en tête à la Libération et 
                        les femmes soldats marchant au pas dans les villes libérées 
                        sont investies de l'image du volontaire patriote et 
                        victorieux. De nombreux documents photographiques ou 
                        des récits valorisant l'image des femmes patriotes en 
                        armes ou en uniformes ont été publiés à la Libération[17]. 
                        Pour comprendre ce changement culturel il faut certainement 
                        faire appel à l'évolution des mœurs, au brouillage de 
                        l'arrière et du front favorisant la mobilisation des 
                        femmes dans la résistance civile au côté des hommes 
                        et dans les services de l'armée régulière. Les modèles 
                        étrangers ont eu aussi un impact : l'armée rouge, la 
                        mobilisation des républicaines espagnoles pendant la 
                        guerre civile ont inspiré la résistance communiste. 
                                          Parallèlement 
                        des unités féminines ont été créées dans l'armée régulière 
                        de la France libre, or les Alliés anglais et américains 
                        comptaient des unités de femmes soldats dans leurs rangs. 
                        La toute première unité française de femmes soldats 
                        fut créée à Londres le 7 novembre 1940 et rattachée 
                        à la France Libre. Composé initialement d'une vingtaine 
                        de "Françaises libres" avec un statut militaire, 
                        le Corps des Volontaires Françaises était copié sur 
                        le modèle britannique des ATS (services auxiliaires 
                        de l'armée de terre)[18]. De fait, la commandante Terré 
                        qui créa l'Arme Féminine de l'Armée de Terre (AFAT) 
                        le 26 avril 1944, s'était directement inspirée du modèle 
                        anglais qu'elle avait eu loisir d'observer à Londres[19]. 
                        Le petit groupe des Françaises libres fut largement 
                        amplifié par la suite avec différents corps de femmes 
                        soldats qui ont été créés en Algérie comme auxiliaires 
                        des armées de terre, de l'air et de la marine. Environ 
                        5000 femmes ont été enrôlées dans cette circonstance 
                        entre 1942 et 1944, le premier corps de femme soldat 
                        en Afrique du Nord étant créé dès le 20 novembre 1942 
                        dans les transmissions. C'était là un événement sans 
                        précédent dans l'armée française. À cette date les femmes 
                        soldats sont encore mobilisées dans des fonctions féminines 
                        traditionnelles : standardistes, opératrices, secrétaires…. 
                        Mais, leur faire revêtir l'uniforme, les assigner au 
                        cantonnement, sous commandement féminin et les faire 
                        défiler au pas en tenue de combat dans les rues d'Alger 
                        puis de la France libérée était une véritable révolution 
                        culturelle. Surtout, elles sortirent des bureaux, des 
                        casernes pour aller sac au dos planter le bivouac sur 
                        le théâtre des opérations, faire la campagne d'Italie 
                        puis la campagne de France, sans pour autant porter 
                        les armes, ce n'était toujours pas leur attribution.           Ces 
                        femmes volontaires avaient conscience d'affronter des 
                        tabous, il en était de même pour l'institution militaire. 
                        De ce fait, s'il faut tenir compte de l'évolution des 
                        mentalités, du rayonnement des modèles étrangers, il 
                        existait un environnement particulier : le manque d'hommes, 
                        ce fut un facteur important favorisant l'appel aux femmes 
                        dans des secteurs inhabituels pour leur sexe. Dès lors, 
                        comme au cours de la Première Guerre mondiale ces nouveaux 
                        rôles étaient pensés dans le provisoire : avec la paix, 
                        le retour à l'ordre des sexes devait dissiper le brouillage 
                        généré par le conflit[20]. Dans ce contexte, les mobilisées 
                        comme les mobilisateurs développèrent le sentiment de 
                        commettre une transgression.           Le 
                        discours sexué de mobilisation de la France combattante           Le 
                        discours émis par la France combattante sur la mobilisation 
                        des femmes est complexe. Loin d'être homogène et d'enfermer 
                        les femmes dans un rôle unique, il présente un enchevêtrement 
                        de représentations témoignant d'une époque où l'identité 
                        et le statut des femmes étaient en train de changer. 
                        Certaines de ces représentations élèvent les femmes 
                        en gardiennes du foyer, l'arrière devenu le front impliquant 
                        plus directement les femmes dans la défense nationale. 
                        C'est notamment un discours émis par la Résistance. 
                        Le 20 avril 1944 Lucie Aubrac déclinait longuement à 
                        la BBC les raisons pour lesquelles la guerre était devenue 
                        “aussi l'affaire des femmes” :“... La guerre est l'affaire 
                        des hommes. Mais les Allemands, qui ont menacé des femmes 
                        et asphyxié des enfants, ont fait que cette guerre est 
                        aussi l'affaire des femmes. [...]           Notre 
                        foyer disloqué, nos enfants mal chaussés, mal vêtus, 
                        mal nourris ont fait de notre vie depuis 1940 une bataille 
                        de chaque instant contre les Allemands. Bataille pour 
                        les nôtres, certes, mais aussi bataille de solidarité 
                        de tous ceux qu'a durement touchés l'occupation nazie.         La 
                        grande solidarité des femmes de France : ce sont les 
                        petits enfants juifs et les petits enfants des patriotes 
                        sauvés des trains qui emmènent leurs parents vers les 
                        grands cimetières d'Allemagne et de Pologne ; ce sont 
                        dans les prisons et les camps de concentration en France 
                        les colis de vivres et de cigarettes, le linge nettoyé 
                        et raccommodé, qui apportent aux patriotes entassés 
                        derrière les murs un peu d'air civilisé et d'espoir 
                        ; ce sont les collectes de vêtements et de vivres qui 
                        permettent aux jeunes hommes de gagner le maquis ; ce 
                        sont les soins donnés à un garçon blessé dans un engagement 
                        avec les Allemands.         Et 
                        puis maintenant que tout le pays est un grand champ 
                        de bataille, les femmes de France assurent la relève 
                        des héros de la Résistance. Dans la Grande Armée sans 
                        uniforme du peuple français, la mobilisation des femmes 
                        les place à tous les échelons de la lutte : dactylos, 
                        messagères, agents de liaison, volontaires même dans 
                        les rangs des Groupes Francs et des Francs Tireurs, 
                        patiemment, modestement, les femmes de France mènent 
                        le dur combat quotidien….”[21]           Le 
                        système de représentations dominant dans la voix de 
                        Lucie Aubrac élève la ménagère en patriote. C'est en 
                        tant que mère, qu'épouse qu'elle participe à la guerre, 
                        protégeant les enfants et ravitaillant les maquis, son 
                        rapport à la nation et à la patrie se comprend comme 
                        une extension du foyer : elle protège les enfants des 
                        autres et ravitaille, soigne, coud, nettoie les vêtements 
                        des partisans. Quant à sa participation à la “Grande 
                        Armée” : elle demeure dans un rôle d'auxiliaire féminine 
                        même si elle est censée assurer “la relève”.           L'idée 
                        la plus répandue, notamment dans le discours de l'institution 
                        militaire, était de solliciter les femmes pour compenser 
                        le manque d'hommes. Au sein même de l'armée, dans les 
                        milieux favorables à une présence féminine, la division 
                        sexuée des tâches était clairement exposée : les femmes 
                        devaient assurer des fonctions en relation avec leur 
                        sexe : dans l'administration militaire et les soins, 
                        tout en préservant leur “nature” féminine car elles 
                        devaient redevenir des épouses et des mères une fois 
                        le conflit terminé, entre-temps elles auraient libéré 
                        autant de braves pour le champ de bataille. En France 
                        occupée, le vécu de la clandestinité conduit également 
                        à considérer que les femmes accomplissent des missions 
                        à la place des hommes, comme le montre Laurent Douzou 
                        à partir des archives du BCRA et du groupe Libération[22]. 
                        Cette thématique de la mobilisation féminine, tout en 
                        présentant des variations, alignait les femmes sur un 
                        même mode : la guerre est une affaire d'hommes, mais 
                        l'agressivité des Allemands, les nouvelles formes prises 
                        par ce conflit et le déficit en hommes pour des raisons 
                        variées contraint les femmes à se commettre dans des 
                        rôles masculins : en tant qu'épouse, en tant qu'auxiliaire, 
                        en se substituant provisoirement aux combattants.            Ces 
                        représentations altèrent l'image du volontaire féminin. 
                        Conjointement un autre discours était émis : celui de 
                        la femme patriote, celle-ci n'étant pas forcément en 
                        armes à la différence du modèle masculin. Cet appel 
                        au patriotisme des femmes était présent dans les campagnes 
                        de recrutement entreprises en Afrique du Nord, les affiches 
                        faisant appel aux volontaires s'adressaient aux “Françaises” 
                        et faisaient vibrer la fibre patriotique: “pour libérer 
                        la France, Françaises, venez au corps féminin des transmissions”[23]. 
                        Il était prégnant aussi dans les images émises par l'AFAT. 
                        Le fascicule Volontaires pour la France introduit le 
                        bref historique de la mobilisation féminine par : “Il 
                        y a toujours eu des volontaires pour la France, déjà 
                        elles filaient la quenouille pour payer la rançon de 
                        Du Guesclin et Jeanne d'Arc mourait pour elle et Jeanne 
                        Hachette résistait à l'ennemi. Elles ont vu partir leurs 
                        hommes et mourir leurs enfants, alors elles ont voulu 
                        servir  aussi…”[24]. À travers ces brèves références 
                        historiques c'est un panel du patriotisme féminin qui 
                        est décliné : les femmes, dès la guerre de Cent ans 
                        se sont mobilisées "dans leur sexe" en filant 
                        patriotiquement la quenouille pour libérer les héros, 
                        mais aussi telles les volontaires en armes : Jeanne 
                        d'Arc ou Jeanne Hachette. Le PCF émettait des représentations 
                        voisines dans les messages qu'il destinait aux femmes. 
                        Au début de la guerre la presse clandestine communiste 
                        s’adressait aux ménagères, mais au fur et à mesure que 
                        la résistance s'engageait dans la lutte armée l'organisation 
                        communiste enflamma son discours de mobilisation féminine 
                        par l'appel aux armes demandant aux femmes patriotes 
                        de rejoindre les FTP[25].            Les 
                        modèles patriotiques proposés étaient ceux de Jeanne 
                        d'Arc et de Jeanne Hachette, mais il était fait référence 
                        aussi à Louise Michel et aux partisanes soviétiques. 
                        "Pas une femme de France au STO - Jeunes filles 
                        de France, aux armes" titrait un tract de 1943[26]. 
                        À partir d'une étude sur les résistantes communistes 
                        Paula Schwartz montre comment cette mobilisation féminine 
                        orientée vers la lutte armée démarra fin 1942 et alla 
                        en s'amplifiant jusqu'à l'été 1944 et les combats de 
                        la libération, alors le PCF appela à former des bataillons 
                        féminins et à monter sur les barricades. Mais dans la 
                        réalité, à l'image de la France libre, les femmes ont 
                        été mobilisées comme auxiliaires des partisans, la direction 
                        communiste refusa obstinément qu'elles puissent porter 
                        les armes et servir dans les groupes de combat ; malgré 
                        la demande de certaines partisanes à prendre les fusils 
                        elles furent cantonnées dans les activités non combattantes. 
                        Autrement dit, la direction communiste elle aussi oscillait 
                        entre le modèle dynamique du patriote (le volontaire 
                        citoyen soldat qui dans le discours de mobilisation 
                        du PCF était désormais investi par le féminin) et une 
                        représentation de la femme profondément enracinée dans 
                        les mentalités : elle ne pouvait être que désarmée, 
                        ses activités devaient être limitées à la sphère domestique. 
                        La mobilisation des femmes dans le réel ne faisait qu'étendre 
                        leurs activités en faisant coïncider le patriotisme 
                        féminin avec l'identité de la ménagère : d'où ce décalage 
                        entre le discours de mobilisation et la mobilisation 
                        réalisée par le PCF.           On 
                        voit ici agir des systèmes de représentations de la 
                        citoyenneté féminine concurrents mais aussi enchevêtrés 
                        car ils coexistent dans un même imaginaire : ils ne 
                        parviennent pas à dissocier les femmes d'une identité 
                        de ménagère enfermée dans la vie domestique alignée 
                        sur la citoyenneté et le patriotisme actif de l'époux 
                        ou du fils, et d'un système de représentations qui tendait 
                        à indifférencier les femmes des hommes dans le rapport 
                        qu'ils devaient entretenir avec la nation : ce dont 
                        témoigne cette image du volontaire investi par le féminin 
                        autant présent mais dans des proportions différentes 
                        selon les différents pôles de la France combattante 
                        depuis l'armée régulière de la France libre jusqu'au 
                        PCF. Dès lors, il est nécessaire d'étudier comment les 
                        volontaires féminines vivaient leur engagement patriotique 
                        en tant que femme.           Être 
                        volontaire féminine           Les 
                        perceptions que les femmes avaient de leur propre engagement 
                        sont présentes dans les nombreux mémoires qu'elles ont 
                        écrits et publiés à la fin du conflit et dans l'après-guerre. 
                        Ces récits de guerre témoignent de la volonté de ces 
                        femmes de transmettre leur expérience, comme traditionnellement 
                        les combattants et les militaires de carrière le font 
                        après un conflit. Pour cette étude nous avons également 
                        utilisé une documentation complexe : des dissertations 
                        rédigées par des volontaires au cours de leur formation 
                        militaire en Algérie en mai 1944, dans lesquelles elles 
                        devaient développer une réflexion sur la présence des 
                        femmes dans les forces armées[27].           La 
                        population féminine des volontaires évidemment n'est 
                        pas homogène, elles sont originaires de milieux socioculturels 
                        variés, la diversité vaut pour les options politiques 
                        (depuis les milieux catholiques conservateurs jusqu'à 
                        l'extrême gauche communiste) et les itinéraires qui 
                        les ont conduites à s'engager dans des structures aussi 
                        différentes que les FTPF, les services des transmissions 
                        du génie, ou les bataillons sanitaires, etc. Néanmoins, 
                        et dans le cadre limité de cette publication, il est 
                        intéressant de recenser les caractères généraux constitutifs 
                        de la spécificité de l'engagement féminin dans la France 
                        combattante.           Le 
                        basculement dans l'action patriotique, vécu comme une 
                        rupture, donne lieu à deux grands types d'attitudes 
                        qui prend pour les femmes des formes originales. Certaines 
                        vivent la guerre et la mobilisation comme une opportunité, 
                        à la fois pour servir la patrie mais aussi pour réaliser 
                        des aspirations difficiles à satisfaire dans la vie 
                        civile en temps de paix. D'autres sont profondément 
                        troublées, elles font part du sentiment d'avoir été 
                        aspirées par un processus qu'elles ne maîtrisaient pas, 
                        tout en s'interrogeant sur leur identité de femme : 
                        “Dans l'armée, moi, une femme [...] les vieux préjugés 
                        inculqués dès l'enfance se dressent devant moi. [...] 
                        Où cela me mènera-t-il ? Mais c'est la guerre ! Ai-je 
                        ainsi la possibilité de gagner ma vie et de servir la 
                        France ? Cette double combinaison me rassure [...] j'ai 
                        signé si vite…”[28].           Les 
                        explications quelles donnent de leur présence dans l'armée 
                        ou dans la résistance sont multiples. On retrouve le 
                        discours de mobilisation : remplacer les hommes déficitaires 
                        pour des raisons variées. “Les hommes ne sont pas assez 
                        nombreux sur le sol français libre ; il faut des femmes 
                        pour les remplacer partout où cela est possible”[29]. 
                        Mais l'idée dominante est qu'en répondant à l'appel 
                        elles accomplissent leur “devoir”. C'est ici un point 
                        important : la volonté d'agir pour participer à la victoire 
                        avec un ego variable selon les individus : il y a celles 
                        qui considèrent le rôle des femmes dans la guerre comme 
                        complémentaire de celui des hommes ; s'adressant de 
                        manière fictive à de nouvelles recrues M.M. leur disait 
                        : “... vous devez mettre tout votre cœur et toute votre 
                        activité au service de la France [...] votre tâche obscure 
                        [...] a son utilité [...] quand nous entrerons [...] 
                        à Paris vous saurez que vous aurez contribué pour une 
                        petite part si infime soit elle au relèvement de notre 
                        patrie et du monde entier.”[30] D'autres ont le sentiment 
                        d'accomplir une tâche aussi importante que celle des 
                        hommes, c'est ainsi que M.J. accueillait d'hypothétiques 
                        nouvelles recrues : “.. n'oubliez pas que vous êtes 
                        françaises, que vous avez le même idéal que nos soldats. 
                        Ayez le même élan ! le même enthousiasme! Pensez que 
                        vous représentez les femmes d'un pays, une armée et 
                        que des étrangers vous observeront et vous jugeront 
                        comme ils observent et jugent les combattants du front…”[31] 
                        . Denise Ferrier, conductrice ambulancière avait elle 
                        aussi la conviction d'accomplir une mission de soldat 
                        d'une valeur identique à celle des hommes, elle écrivait 
                        le 16 novembre 1944 alors qu'elle intervenait sur le 
                        théâtre des opérations en Lorraine : “Il n'est plus 
                        question de repos pour l'instant. C'est l'attaque, la 
                        vraie, celle qui demande des hommes et aussi des ambulancières. 
                        Nous sommes là”[32].           De 
                        ce fait, les ressorts culturels ayant amené ces femmes 
                        à se mobiliser ne sont pas très différents de ceux qui 
                        ont conduit des hommes à se porter volontaire : le patriotisme, 
                        “servir”, “contribuer à la victoire”, “aider à la libération 
                        de la France”, chez les militantes la conscience politique 
                        étant davantage affirmée. Comme pour les hommes, certaines 
                        femmes témoignent du goût pour l'action, de la recherche 
                        du risque, et la volonté d'en découdre n'est pas toujours 
                        absente, “je veux être le plus près possible du danger, 
                        là où ma tâche sera la plus difficile, mais la plus 
                        utile”[33] ; Berthe Finat, Infirmière et Pilote Secouriste 
                        de l'Air (IPSA) clouée au sol pendant la drôle de guerre, 
                        tricotait des lainages pour les services de l'Entr'aide 
                        alors qu'elle “rêvait d'envol, de vie dangereuse dans 
                        le ciel”[34]. Mais les raisons initiales pouvaient être 
                        aussi beaucoup plus “terre à terre” : la pénurie, la 
                        misère, les bouleversements économiques et sociaux provoqués 
                        par la guerre ont amené certaines de ces jeunes filles 
                        à accepter un emploi inhabituel.         Tant 
                        que la résistance était civile, les résistantes avaient 
                        le sentiment d'être à égalité avec les hommes : mêmes 
                        tâches, mêmes risques, mêmes responsabilités[35]. Par 
                        contre le passage à la lutte armée a réintroduit avec 
                        évidence la différence des sexes d'alors. De ce fait 
                        le patriotisme féminin en construction à cette date 
                        est davantage pensé en terme de complémentarité, le 
                        rôle majeur, celui du guerrier, étant d'essence masculine. 
                        L'accès aux armes et la militarisation des femmes étaient 
                        de ce fait des enjeux symboliques forts : un enjeu de 
                        citoyenneté, un enjeu aussi d'identité sexuée ; ceci 
                        explique la frustration des combattantes qui se virent 
                        interdire le port du fusil, mais parallèlement le soulagement 
                        d'autres volontaires de ne pas avoir à tenir un pistolet 
                        ; ce qui explique également la peur de se voir masculinisées 
                        de la part des femmes patriotes qui parfois ont effectivement 
                        le sentiment de devenir des hommes, ou qui s'inquiètent 
                        du risque de perdre leur essence féminine. “Toute ta 
                        vie, femme soldat. Ta féminité gardera, ainsi se terminait 
                        la chanson des volontaires de la 838ème compagnie des 
                        transmissions[36].         La 
                        Seconde Guerre mondiale apparaît comme un observatoire 
                        qui vérifie un changement culturel en cours du féminin. 
                        Les représentations collectives dominantes de la femme 
                        tendaient à la réduire à la ménagère, mais les réalités 
                        de la guerre ont conduit à mobiliser des femmes dans 
                        des secteurs de la défense nationale qui jusqu'alors 
                        étaient d'identité masculine. C'était devenu possible 
                        en 1940-1945 car d'autres systèmes de représentations 
                        construisant notamment une identité féminine plus autonome 
                        et davantage présente sur la scène publique, coexistaient 
                        dans l'imaginaire social et donnèrent plus de lisibilité 
                        à l'engagement des femmes sur l'espace public.           En 
                        retard sur la plupart des pays européens les Françaises 
                        ont obtenu le droit de vote par l’ordonnance du 21 avril 
                        1944. Dans le cadre de la restauration républicaine, 
                        la France libre étendait aux femmes l’exercice de la 
                        citoyenneté. Deux ans plus tard dans le préambule de 
                        la constitution de la IVème République les Droits de 
                        l’homme étaient entendus aussi comme ceux des femmes. 
                        La reconnaissance du droit des femmes à intervenir sur 
                        l’espace public s’est concrètement traduite par leur 
                        entrée dans les diverses instances politiques de la 
                        libération et de l’après-guerre, depuis les comités 
                        locaux de la Libération jusqu’à l’Assemblée nationale. 
                        La période apparaît ainsi comme un moment exceptionnellement 
                        favorable à la représentation politique des femmes, 
                        notamment en raison de la recherche quasi systématique 
                        d'une présence féminine par les organisations issues 
                        de la Résistance.           Néanmoins, 
                        les femmes ont occupé à l'époque une position marginale 
                        dans les lieux de pouvoir, très minoritaires (entre 
                        moins de 5% et 10% du corps politique), elles étaient 
                        peu associées à la prise de décision et une forte proportion 
                        siégeait dans les assemblées ou les conseils au titre 
                        de la représentation d'un compagnon masculin absent 
                        (au front, prisonnier, déporté, décédé). Surtout, très 
                        vite elles disparurent durablement de la scène politique 
                        officielle. Elles tombèrent également dans l’oubli de 
                        la mémoire patriotique:  la place prépondérante 
                        donnée aux épisodes militaires de la résistance et de 
                        la France libre, l’image “d’un pays libéré par son peuple” 
                        valorisèrent le masculin et marginalisèrent la participation 
                        des femmes à la lutte nationale.           En 
                        effet, les représentations dominantes de la femme dans 
                        l'imaginaire collectif de la Libération restaient celles 
                        de la ménagère. On observe la prégnance de ces systèmes 
                        de représentations notamment dans les ressorts culturels 
                        sous-jacents à la répression massive des femmes accusées 
                        de relations sexuelles avec des soldats des troupes 
                        d'occupation. En tondant leur chevelure, en les traduisant 
                        devant les tribunaux, on châtiait un comportement qui, 
                        s’il relevait en temps ordinaire de l’immoralité ou 
                        de la légèreté, apparaissait en période de guerre et 
                        d’occupation comme une trahison. Dans ce contexte il 
                        n’était pas concevable qu’elles puissent disposer librement 
                        de leur corps. Par ailleurs, on ne peut que constater 
                        l'incrédulité des spectateurs qui assistèrent aux défilés 
                        des femmes soldats ou des partisanes en armes à la Libération, 
                        et faire état de la mauvaise réputation dont souffrirent 
                        les "filles du maquis" et les engagées volontaires 
                        dans les FFL : l'engagement qu'elles avaient choisi 
                        dans la défense nationale et leur immersion dans un 
                        univers masculin n'étaient pas compris par le plus grand 
                        nombre.           Si 
                        la guerre totale a favorisé des déplacements dans les 
                        assignations et la diffusion de représentations décalées 
                        par rapport à l'imaginaire dominant, elle n'a pas entraîné 
                        un bouleversement dans les relations hommes/femmes. 
                        Mais, comme lors de la Première Guerre mondiale, une 
                        brèche avait été ouverte : des rôles nouveaux avaient 
                        été distribués, des questions avaient été posées, désormais 
                        le débat pouvait avoir lieu avec davantage d’écoute 
                        et de résonance dans la société, surtout cette fois 
                        des mesures avaient été prises. Comme l’a écrit la résistante 
                        Brigitte Friang : “lorsque les hommes ont besoin des 
                        femmes, ils oublient que ce sont des femmes. L'amusant 
                        est que ces hommes-là sont perdus à jamais pour le grand 
                        jeu du mépris dogmatique. Tous ceux qui ont véritablement 
                        participé à la Résistance [...] reconnaissent avoir 
                        eu leur image de la femme modifiée par cette période 
                        ”[37].   [1] 
                            Thébaud (Françoise) (dir.), 
                        Histoire des femmes, Le XXe siècle, Plon, 1992. [2] 
                            Omnès (Catherine), “ La trajectoire 
                        des ouvrières parisiennes ”, dans Peschanski (Denis) 
                        et           Robert 
                        (Jean-Louis),  Les ouvriers en France pendant 
                        la Seconde guerre mondiale, Paris,           IHTP, 
                        1992, pp.57-71. [3] 
                            Azéma (Jean-Pierre), 1939-1940 
                        L’année terrible, Paris, Le Monde, 1989, p.6. [4] 
                            Azéma (Jean-Pierre), “ Le choc 
                        armé et les débandades ”, dans Azéma (Jean-Pierre) et 
                                  Bédarida 
                        (François),dans La France des années  noires, 
                        vol. 1, Paris, Seuil, 1993, p.97. [5] 
                            Muel-Dreyfuss (Francine), Vichy 
                        et l’éternel féminin, Paris, Seuil, 1996, p. 104. [6] 
                            Veillon (Dominique), “ La vie 
                        quotidienne des femmes ”, dans Azéma (Jean-Pierre) et 
                                  Bédarida 
                        (François), Vichy  et les Français, Paris, Fayard, 
                        1992, pp. 629-639. [7] 
                            Thébaud (Françoise) (dir.), 
                        op.cit., p.185-211. [8] 
                            Cité par Muel-Dreyfuss (Francine), 
                        op.cit., p. 51. [9] 
                            Pollard (Miranda), Reign of 
                        Virtue. Mobilizing Gender in Vichy France, Chicago and 
                        London,           The 
                        Chicago  University      Press, 
                        1998, p.3. [10] 
                          Tract du secrétariat d’État à la famille 
                        et à la santé, cité par Gervereau (Laurent) et           Peschanski 
                        (Denis), La  propagande      sous 
                        Vichy, Paris, BDIC, 1990, p. 120. [11] 
                          Gervereau (Laurent) et Peschanski (Denis), 
                        op.cit., p. 119. [12] 
                          Wishnia (Judith), “ Natalisme et nationalisme 
                        pendant la Première Guerre mondiale ”,          Vingtième 
                        siècle, n° 45, 1995, p. 30-39. [13] 
                           Livre fondateur des éditions clandestines 
                        de Minuit, publié en 1942. [14] 
                           Le suffrage féminin a été instauré 
                        en France par l'ordonnance du 21 avril 1944. [15] 
                           Andrieu (Claire), “ Les résistantes, 
                        perspectives de recherche ”, dans Prost (Antoine) (dir.), 
                                   La 
                        Résistance, une histoire sociale, Paris, Les  Éditions 
                        de l'atelier,            coll. 
                        “ Mouvement social ”, 1997, 250 p. [16] 
                           Schwartz (Paula), “ Partisanes and 
                        gender politics in Vichy France ”, French Historical 
                        Studies,            vol. 
                        16, n°1,  printemps       1989, 
                        126-151. ; Douzou (Laurent), “ La Résistance,            une 
                        affaire d'hommes ? ”, Les Cahiers de l'IHTP, n°31, 1995, 
                        p.11-24. [17] 
                           Volontaires pour la France, album 
                        photographique de 20 pages, publié par le            Service 
                        des formations féminines de l'armée de terre,  Ministère de 
                        la Guerre,            Paris, 
                        31 janvier 1946. [18] 
                           Bertrand (Catherine), La vie quotidienne 
                        du personnel féminin dans les armées de France            de 
                        1939 à 1945, mémoire de  maîtrise  université 
                        Rennes2, 1992, 120 p. [19] 
                           Général de division Merlin, Les femmes 
                        dans l'arme des transmissions, Armée de Terre, 1948. [20] 
                           Thébaud (Françoise) (dir.), op.cit., 
                        p. 31-74. [21] 
                           Texte prononcé par Lucie Aubrac dans 
                        l'émission “ Honneur et Patrie ” le 20 avril 1944            à 
                        21h25, publié dans Crémieux- Brilhac (Jean-Louis) 
                        (dir.), Les Voix de la liberté.            Ici 
                        Londres 1940-1944, La Documentation Française, Paris, 
                        1975, tome 4,    p. 238-239. [22] 
                           Douzou (Laurent), op.cit.. [23] 
                           Affiches placardées sur les murs d'Alger 
                        en décembre 1942, reproduction conservée à l'ESAT            (École 
                        supérieure  d’application des  transmissions 
                        – Rennes/Armées), carton n° 394. [24] 
                           Volontaires pour la France, op.cit.. [25] 
                           Schwartz (Paula), op.cit. [26] 
                           Cité par Schwartz (Paula), op.cit., 
                        p. 144. [27] 
                           ESAT, carton n°389. [28] 
                           ESAT carton n°386, mémoire d'une Merlinette, 
                        document manuscrit d'une quarantaine            de 
                        pages : un cahier, daté de 1964. [29] 
                           ESAT carton n°389, dissertation d'une 
                        Merlinette, M.-L. C. [30] 
                           ESAT carton n°389, dissertation d'une 
                        Merlinette, M.M. [31] 
                           ESAT carton n°389, dissertation d'une 
                        Merlinette, M.J. [32] 
                           Denise Ferrier, lettre du 16 novembre 
                        1944, publiée dans Jean-Darrouy (Lucienne),            Les 
                        Françaises ... dans la    guerre. Vie 
                        et  mort de Denise Ferrier. Aspirant, Ed. Georges 
                                   Dinesco, 
                        Alger, 1946, p. 101. [33] 
                           Ibid., p. 30. [34] 
                           L'Herbier-Montagnon (Germaine), Jusqu'au 
                        sacrifice, Éditions E.C.L.A.I.R., Paris, 1960, p. 29. [35] 
                           Friang (Brigitte), Regarde-toi qui 
                        meurs (1943-1945), Éditions du Félin 1997            (1970 
                        pour la première édition), p. 41. [36] 
                           ESAT carton n°386, chanson des Merlinettes. [37] 
                           Brigitte Friang, op.cit., p. 41.     |   |